Un frère de trop by Sébastien Theveny

Auteur:Sébastien Theveny [Theveny, Sébastien]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9781521589434
Publié: 2017-10-24T22:00:00+00:00

Chapitre 35

Au doux parfum de la violette.

Hôpital de Nice, 15 juin 1986

Émilie pleure dans le giron protecteur de Lucie, sa bonne petite maman. Émilie pleure parce qu’Émilie a peur. Elle a peur parce qu’elle va subir demain une lourde opération du cœur. Sa trisomie 21 entraîne une foule de problèmes physiques, fonctionnels, parmi lesquels cette malformation cardiaque que les chirurgiens s’apprêtent à corriger. Le mode opératoire n’est pas foncièrement compliqué mais l’opération, comme tout acte chirurgical, comporte son lot de risques et de complications possibles.

Émilie, malgré son handicap qui fait qu’elle ne comprend pas toujours la teneur du monde qui l’entoure, sait néanmoins que, demain, elle pourrait être en danger. Alors Émilie pleure de peur, malgré les caresses et les mots tendres de sa maman et de sa grande sœur Marie-Caroline qui, elle aussi, tente de l’apaiser.

Mais Émilie pleure aussi de chagrin. Car son grand-frère, son Péhu adoré, n’est pas là à son chevet aujourd’hui. Pierre-Hugues lui avait promis de lui offrir un doudou magique et Pierre-Hugues a oublié. Elle comptait beaucoup sur la magie de son doudou, qui l’aiderait à affronter les docteurs, qui l’aiderait à s’endormir et qui l’aiderait à se réveiller, après, quand son cœur serait tout réparé et qu’il fonctionnerait tout bien.

Lilie a six ans et elle pleure dans son lit d’hôpital, trop grand pour elle, bien qu’elle soit dans une chambre du service de chirurgie pédiatrique.

— Veux Péhu ! Veux mon doudou magique !

Marie-Caroline lui prend la main, qu’elle caresse doucement, mais rien n’y fait.

— Ne crie pas, Lilie, souffle-t-elle, je vais aller t’en acheter un au kiosque en bas, d’accord ? Tu veux ?

— Non, veux doudou Péhu, crie Lilie avec les yeux dégoulinants de grosses larmes, qui ne sont pas de crocodile.

Une infirmière, alertée par les éclats de voix, passe la tête par l’encadrement de la porte :

— Alors, ma pitchoune, quel gros chagrin tu as là…

L’infirmière a une bonne bouille avenante qui habituellement redonne le sourire à n’importe quel enfant du service, fût-il le plus mal en point. Mais Lilie est si différente.

— Veux Péhu !

Elle se débat de plus en plus, au bord de l’hystérie, à présent.

— Je vais aller chercher un docteur, Madame, propose l’infirmière à Lucie. Peut-être pourra-t-il lui prescrire un sédatif léger… Un petit calmant.

— Non, attendez, implore Lucie.

Puis, se tournant vers sa fille :

— Ecoute, Lilie, on va appeler Pierrot, d’accord ? Il va venir, avec le doudou magique… D’accord ? Hein, ma chérie ?

Comble de malchance, cette semaine Charles et Édouard sont partis ensemble en Allemagne pour un voyage d’affaires. Lucie affronte donc seule cette délicate opération, avec Marie-Caroline près d’elle, mais sans Pierre-Hugues qui doit être en train de passer ses partiels à la Faculté.

— Marie ? Veux-tu essayer d’appeler ton frère à la Faculté ? Je crois qu’Émilie ne s’apaisera qu’avec lui à ses côtés.

Marie-Caroline acquiesce et rejoint le hall principal de l’hôpital où une cabine téléphonique avec un annuaire papier des Alpes-Maritimes est libre, à la disposition du public.

— Voilà, ma Lilie, tu vois ? On va chercher Pierrot.

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